L’effacement dans les bâtiments publics : une contribution concrète à la transition énergétique

L’ensemble du parc immobilier public en France, représente 20% des émissions de gaz à effet de serre et 50% de la consommation d’énergie finale du secteur tertiaire. C’est un enjeu majeur de la politique de transition énergétique.

C’est à ce titre une cible privilégiée des politiques de sobriété énergétique. Consommer moins. Des objectifs ambitieux ont été fixés : réduction des consommations des bâtiments de l’Etat de 40% en 2030 et 60% en 2050. Des fonds importants y sont dédiés : prêts de 4 Mds d’Euros via le plan de relance et le grand plan d’investissement.

Pour autant, à l’heure ou les factures énergétiques pèsent de plus en plus lourd dans les budgets, il est important, pour les propriétaires ou locataires de parc immobilier, de considérer aussi le « consommer mieux ». La consommation énergétique des bâtiments, grâce à son inertie thermique et à sa pilotabilité, est un gisement de flexibilité qui peut être valorisé. La stratégie est « gagnant – gagnant » : à la fois réduction des émissions de GES, soutien réseau dans cette période de tension et gains économiques qui peuvent venir en partie compenser la hausse de la facture.

Pourtant le secteur tertiaire et singulièrement le secteur public tardent à investir ce champ. Il est vrai que la réalisation de ce potentiel souffre sans doute de plus de freins sur le secteur immobilier que sur le secteur industriel. Mais lever ces freins est possible : c’est une question de bonne gouvernance, de politique d’investissement et de pilotage stratégique.

Les mécanismes pour valoriser la flexibilité et donc les capacités d’effacement sont nombreux. Une organisation peut valoriser de la capacité et / ou du volume :

  • Valoriser sa capacité consiste à mettre à disposition du réseau la possibilité d’interrompre sa consommation d’électricité selon des modalités plus ou moins contraignantes (délais de prévenance, durée d’interruption, ampleur de l’interruption). Cette capacité d’interruption est essentielle pour RTE, elle agit comme une centrale virtuelle qui lui permet de maintenir l’équilibre offre / demande. Différents mécanismes existent : le marché de capacité : marché ou se rencontrent en permanence l’offre et la demande de capacités ; l’appel d’offre effacement de RTE, qui vient compléter ce marché et qui a mobilisé 2 922 MW en 2024 (+8% par rapport à 2023) à un prix de 65k€ /MW (et 85 k€ pour les sites prenant un engagement plus important) ; les appels d’offre RTE pour les réserves rapides et complémentaires qui nécessitent une réactivité de 9, 13 ou 30 minutes, ou encore les participations aux mécanismes d’interruptibilité, voire de services systèmes dans le cas de capacités quasi-instantanées et automatisées. Ces capacités d’interruption sont valorisées selon un principe d’engagement à interrompre sur demande en contrepartie de quoi, l’organisation perçoit une rémunération annuelle au MW.

  • En complément de cette rémunération de capacité, il existe une possibilité de rémunération de volume. Lorsque l’effacement est effectivement déclenché, le volume fourni en MWh est rémunéré comme le serait une production électrique. Un acteur qui ne souhaiterait pas s’engager sur une capacité peut aussi choisir de ne placer que des volumes, même si cette solution est beaucoup moins rémunératrice.

Si l’effacement est aujourd’hui relativement peu mis en œuvre par le secteur tertiaire c’est que des freins existent encore :

  • Contrairement à l’industrie, les consommations sont peu concentrées et donc la vision des gains est partielle, la prise de décision diffuse. Chaque site n’a généralement qu’un intérêt faible à y investir du temps, des ressources voire des investissements technologiques. Le siège manque de vision agrégée : le sujet est donc ignoré, ou souffre d’une incapacité à décider.

  • Au niveau du site proprement dit, le problème peut être d’identifier le processus réellement effacé. Interrompre un processus industriel peut immédiatement provoquer une baisse de la consommation directement imputable à cet effacement. Les effets de l’interruption du chauffage d’un bâtiment pendant un ¼ d’heure peuvent être brouillés par les autres consommations du bâtiment.

Pourtant des solutions existent :

  • L’effet diffus des gains potentiels peut être dépassé en pensant l’effacement au niveau du parc immobilier global et en le gérant de manière agrégée, soit en propre, soit en délégation à un opérateur d’effacement.

  • La difficulté de mesure n’est qu’un problème d’instrumentation que les solutions digitales savent aujourd’hui très bien prendre en compte. Le coût d’investissement doit être évalué en fonction du gain potentiel.

Finalement, le seul vrai frein est sans doute celui de l’information, probablement insuffisante à destination du secteur tertiaire. Le potentiel de l’effacement pour l’environnement, pour la sécurité du réseau et pour la trésorerie des acteurs doit être mieux diffusé et mieux évalué. Il doit être pensé dans la politique globale de la maîtrise de la consommation énergétique. Il est un levier essentiel pour la société, il peut devenir un volet à part entière de la stratégie énergétique des acteurs tertiaires, en particulier publics.

Publié le 16.05.24