L’expertise comptable représente un secteur profond, résilient, réglementé et fragmenté : il remplit à première vue tous les critères qui attirent les fonds de Private Equity.
Pourtant, le secteur est resté longtemps à l’écart des grands mouvements de concentration, en dehors des leaders bien connus et établis depuis des décennies, et n’a que très récemment déclenché une vague de LBO concurrentiels et disputés.
Qu’est-ce qui a changé ? et est-ce le moment de miser sur les plateformes de consolidation du marché ?
Le Marché connait des évolutions contrastées par segment
Le secteur de l’expertise comptable français présente une croissance stable et prévisible de 2 à 3% par an. Cette progression, bien que modeste en apparence, masque des évolutions contrastées entre les différentes activités des cabinets. Le marché représente environ 24 milliards d’euros et reste encore principalement axé sur la production comptable (près de 50% du total). Mais ce poids devrait fortement diminuer dans les années à venir pour ne représenter que 37% en 2030. L’érosion progressive du segment (-2% par an) est liée à la digitalisation, aux gains de productivité associés et à une pression sur les prix. Dans le même temps, d’autres activités émergent et connaissent des rythmes de croissance bien plus élevés.
La croissance de l’activité est tirée par le conseil
Le conseil aux dirigeants, étroitement lié au savoir-faire historique de l’expert-comptable – comme l’externalisation de la fonction de directeur administratif et financier ou l’aide au pilotage de l’entreprise à partir des indicateurs de performance – affiche des taux de croissance de 10 à 12% par an.
Parallèlement, les cabinets diversifient leur offre vers des domaines plus éloignés de leur métier cœur : juridique, gestion de patrimoine, transaction services, fusions-acquisitions, conseil IT et management. Ces nouvelles activités progressent de 6 à 8% annuellement, témoignant de la volonté des cabinets de se positionner comme des prestataires « one-stop-shop » pour les directions générales – mais aussi de la facilité pour les dirigeants de se reposer sur leur expert-comptable pour ces sujets (très fort intuitu personae et relation de confiance).
Cette transformation est déjà une réalité pour les plus grands acteurs du marché. Certains cabinets leaders réalisent déjà plus de 50% de leur chiffre d’affaires sur des activités de conseil, ayant progressivement abandonné la production comptable pour se concentrer sur les missions à plus forte valeur ajoutée : principalement conseil, audit, fiscalité, paie.
La digitalisation transforme le métier et améliore sa rentabilité
Environ 70% des experts-comptables ont déjà adopté des outils digitaux, même si seule une minorité a mis en œuvre des solutions complètes d’automatisation (comme Pennylane), permettant une digitalisation intégrale de la production comptable.
Cette transformation va connaître une accélération significative avec l’entrée en vigueur de la facturation électronique obligatoire à partir de septembre 2026. Cette réglementation va contraindre l’ensemble des acteurs à accélérer leur digitalisation, créant diverses opportunités pour les cabinets les mieux préparés.
La digitalisation génère des gains de productivité grâce à l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée. Elle permet aux experts-comptables de réallouer leurs ressources vers des activités de conseil plus rémunératrices, tout en dégageant du temps pour le développement commercial.
« Ce sont près de 20 à 30 points de gains de productivité qui sont actuellement réalisés grâce aux outils digitaux. Tous ces gains ne sont pas encore pleinement utilisés pour réaliser davantage de commercial et basculer sur de nouvelles tâches à plus forte valeur ajoutée. Une partie a tout simplement été utilisée pour améliorer l’équilibre vie pro-perso dans la profession » explique Simon Colboc, associé chez CMI
L’impact sur les marges est particulièrement significatif. Alors que les cabinets traditionnels affichent actuellement des niveaux d’EBITDA moyens de 12 à 13%, les acteurs qui réussissent leur transformation digitale et leur bascule vers le conseil peuvent atteindre des niveaux de rentabilité dépassant les 20% (un gain de près de 10 points de marge peut ainsi être espéré pour les plus efficaces).
Adapter l’offre aux attentes des segments de clientèle
Les différents segments de clientèle des experts-comptables ont, au fond, des besoins très différents, et permettront donc des stratégies de croissance également différentes. Ces besoins et attentes varient principalement en fonction de la taille des entreprises concernées :
- Micro-entreprises et Indépendants recherchent principalement une offre packagée incluant production comptable, paie et services juridiques de base, à un prix attractif. Leurs besoins en conseil demeurent limités, et la sensibilité au prix plus forte ; ils seront les plus susceptibles de basculer sur une offre purement digitale.
- TPE et PME ont commencé à intégrer les activités de saisie comptable, mais sont encore très sensibles au regard extérieur apporté par leur expert-comptable. Si les possibilités de ventes croisées restent assez limitées (paie et droit social, un peu de juridique et éventuellement gestion de patrimoine, assurance et couverture sociale), la digitalisation permet ici d’énormes gains de productivité et de service apporté.
- ETI et Grands Groupes ont généralement internalisé leur comptabilité et recherchent des prestations de conseil à forte valeur ajoutée. Le prix devient un critère secondaire par rapport à l’expertise et à la qualité de service proposées.
Consolider le maché : plusieurs stratégies de croissance externe
Si les transformations du métier apportent des opportunités de croissance organique, les experts-comptables disposent également d’un potentiel de développement par acquisitions.
« Il y a une forte opportunité de création de valeur par la croissance externe, mais celle-ci doit être réalisée de manière horizontale et verticale pour en extraire le plus de potentiel possible » analyse Olivier Oriez, Manager chez CMI.
Le développement horizontal permet aux cabinets de se renforcer dans leur zone géographique cœur et de s’implanter progressivement sur de nouveaux territoires en créant des bastions locaux.
La croissance verticale permet d’intégrer de nouvelles compétences et de diversifier le modèle économique. Cette diversification s’opère généralement par étapes, en commençant par des segments proches du métier traditionnel (juridique, transaction services) avant de s’étendre vers des domaines plus éloignés (RH, ESG, M&A, conseil stratégique et opérationnel, IT et cybersécurité…).
Que peut nous apprendre l’exemple britannique ?
Le Royaume-Uni offre un aperçu instructif de l’évolution possible du marché français. La digitalisation y a en effet débuté plus tôt qu’en France, notamment avec la loi « Making Tax Digital ». Cette transformation a progressivement réduit le poids de l’activité de production comptable et poussé les cabinets à développer une offre de conseil généraliste.
Le marché britannique devrait croître de près de 7% par an à l’horizon 2027, porté par le développement du conseil. Cette croissance a poussé les fonds de private equity à s’intéresser au marché, avec des opérations d’envergure (notamment Evelyn Partners, qui a triplé son chiffre d’affaires entre 2019 et 2023 sous l’impulsion de Permira, pour atteindre 700m£, ou encore Azets qui a maintenu une croissance de 6% par an, atteignant 362 millions£ de CA en 2023, et a amélioré son niveau d’EBITDA de 8 points entre 2019 et 2023 avec l’entrée de HG Capital)
Et demain ?
Les mutations du marché poussent les acteurs à faire appel à des financiers pour les aider à se structurer et à diversifier progressivement leur offre. Plusieurs dossiers en 2025 (Rydge, Otium, Implid, Summa, Numans…) confirment la dynamique progressive du marché. Le potentiel de création de valeur pour les acteurs capables d’anticiper les mutations en cours et de s’y adapter, représentent une réelle opportunité pour les fonds d’investissements qui souhaiteraient les accompagner.
La stratégie de consolidation est facilitée par l’existence d’un vivier important de cibles potentielles. Près de 20 000 cabinets d’expertise comptable existent en France, et la consolidation amorcée depuis quelques années n’a encore eu qu’un impact limité. Le nombre de cabinets continue même de croître d’environ 3% par an depuis 2018, témoignant de la vitalité du secteur.
Cette fragmentation du marché représente un potentiel unique pour les acteurs souhaitant construire des plateformes de consolidation. La plupart des cabinets demeurent de petites structures familiales, souvent confrontées à des enjeux de transmission générationnelle, créant des opportunités d’acquisition attractives.
CMI, fort de son expertise en due diligence stratégique et de sa connaissance approfondie du secteur, accompagne les investisseurs qui souhaiteraient soutenir les cabinets d’expertise comptable dans leur transformation et leur croissance. CMI et ses partenaires de l’alliance Consulting for Capital ont réalisé de multiples projets (près d’une vingtaine) sur des acteurs ayant un chiffre d’affaires compris entre 10 et près de 700 millions d’euros en France, mais également en Belgique, en Espagne et au UK.
Publié le 08.09.25